Une urgence interdire le vélo à Paris
"L'air du temps", la chronique hebdomadaire de Gilles Martin-Chauffier dans notre magazine.
Vous devriez venir faire un tour à la Bastille. Je vous préviens : c’est à vos risques et périls. Ce n’est plus une place, c’est devenu un vélodrome. Casqués et profilés vert fluo, des courants d’air à écouteurs filent en tous sens. Franchement, il leur faudrait des Klaxon. Mais sauraient-ils seulement s’en servir ? Je me demande si leur QI atteint vraiment deux chiffres. Les règles de la vie en ville sont pourtant simples : trottoirs pour les piétons et chaussée pour les autres. Tout le monde l’a compris, sauf les cyclistes. Les environs sont nervurés de pistes à leur intention mais les vélos les négligent.
Naturellement, personne ne dit rien. On a bien compris que remonter les rues en sens interdits, envahir les trottoirs, griller les feux et affoler les grands-mères rend service à la planète. On ne s’attaque pas à des bienfaiteurs de l’humanité. Surtout qu’ils ont l’air d’être en pleine forme. Ils n’ont plus de jambes, ils ont des roues et ils font des « rides ». Seraient-ils dopés à l’EPO ? Sans doute pas. Je dirais plutôt à l’air du temps.
Aujourd’hui, la Nature tend la main à la Morale
Songer qu’on a pu vivre pendant des siècles sans employer les termes biotopes, biosphère et environnement. Ces temps obscurs sont révolus. La biodiversité est même devenue citoyenne d’honneur de la Ville de Paris ! Fini, les belles statues de la Liberté donnant le bras à l’Education. Aujourd’hui, la Nature tend la main à la Morale. On achète du chocolat ethnique, on boit du café équitable et autres galettes de la même farine. N’en doutez pas : j’approuve tout à fait. Pas question de remettre en cause les arrêts des directeurs de conscience contemporains.
Si seulement ils pouvaient rouler moins vite. On dirait qu’ils ont adopté les ridicules dont ils riaient chez les automobilistes. Il faut les entendre parler de leur modèle. Sa marque, son prix, ses performances… Autrefois, on enfourchait sa bécane et hop, c’était fini. On n’en est plus là. Un vélo, ça s’entretient. Avec révisions régulières. Effectuées par des professionnels.
Les nouveaux enfants chéris sont l’objet de tous les soins. Et appartiennent à tous les genres. La bonne vieille bicyclette a vécu. Des objets roulants non identifiés parcourent les rues. Monocycles, skates électriques à lumières clignotantes, roues magiques, hoverboards, triporteurs…
Il y a même une Association nationale des utilisateurs de micro-mobilité électrique. Vous verriez certaines roues : on dirait des bouées de sauvetage.
Anne Hidalgo compte faire pousser une forêt sur le parvis de la gare de Lyon !
Sauf que c’est aux piétons qu’il faudrait porter secours. Le nombre de trottinettes qu’il faut enjamber, c’est à ne pas croire. Désormais, elles sont électriques.
Il paraît qu’on a dessiné des places de stationnement au sol à leur intention. Vraiment ? Aucun de leurs pilotes ne semble s’en être aperçu. Probablement parce qu’ils vont trop vite pour les repérer. Car, côté vitesse, chapeau ! On se croirait à Amsterdam, où les fous du guidon font régner la terreur depuis des années. Si vous croyez qu’on sifflote le long des canaux, c’est que vous n’y êtes jamais allés. Ces Bataves sont dingues.
Et c’est pareil à Paris. Je me demande où s’entraînent les livreurs à vélo. Ils devraient former une équipe pour le Tour de France. En attendant, on pourrait peut-être les contrôler. Sinon on ne pourra plus se promener tranquilles que les jours de pluie, quand les sprinteurs retrouvent les joies du métro. A croire qu’ils sont en sucre. Notre dernier espoir s’appelle Anne Hidalgo. Avec elle, tout est possible. Il y a longtemps qu’elle flotte dans le domaine du rêve. Elle compte faire pousser une forêt sur le parvis de la gare de Lyon ! Et elle a trouvé un moyen de rouvrir tous les restaurants, les musées et les salles de gym en trois semaines.
Ce n’est même pas de la pensée magique, c’est de la politique à sa façon. Changer d’avis est une routine pour elle. Quand son référendum auprès « des Parisiennes et des Parisiens » a révélé leur hostilité totale à la construction de tours, elle a signé l’autorisation pour la tour Triangle et en mijote quelques autres vers Bercy. Quand les analyses ont révélé que la pollution avait été multipliée par quatre sur les quais hauts de la Seine, elle a lu la confirmation qu’elle baissait. Les affirmations d’un jour n’engagent pas le lendemain. Qu’importe qu’elle ait bichonné les cyclistes. S’il y a quelqu’un qui pourrait leur rabaisser le caquet, c’est elle. Prions
https://www.parismatch.com/Actu/Societe/Une-urgence-interdire-le-velo-a-Paris-1728657
Ajouter un commentaire