Un nouveau siège pour la métropole de Grenoble
Le siège de la métropole de Grenoble, tous les élus sont d'accord pour le rénover. Un consensus, avec des divergences portant sur le coût, sur le lieu et sur le moment de prendre la décision. L'affaire sera examinée vendredi 29 janvier. Certains voudraient aussi mettre le président en minorité.
Christophe Ferrari aura-t-il une majorité, vendredi prochain, pour lancer le projet de rénovation du siège de la métropole dont il est le président ? Le conseil métropolitain se réunira à dix heures à Alpexpo.
C'est une conséquence du transfert de compétences des 49 communes vers la métropole, au cours des six dernières années. Cela s'est accompagné du transfert de personnel. "Nous sommes passés à 1100 agents administratifs, dit Christophe Ferrari. Cela nous a amené à louer des bâtiments dans le dernier mandat". Le site actuel du Forum héberge seulement 400 fonctionnaires.
Le projet du président de la métropole est, donc, d'héberger ces 1100 salariés dans un lieu unique, boulevard Jean Pain en face du stade des Alpes, à proximité de l'hôtel de ville.
Ils sont actuellement dispersés dans neuf bâtiments qui sont tous "des passoires thermiques," un peu partout dans la ville. Parmi ceux qui travaillent au Forum, siège de la Métropole, ces dernières années, une quarantaine seraient tombés malades à cause de l'insalubrité du bâtiment. "Le Forum, dit le président, cela fait 15 ans qu'il a un avis négatif de la commission de sécurité. Depuis que nous sommes dans ce bâtiment, nous avons 40 agents qui ont fait l'objet de maladies professionnelles liées à des pathologies liées au bâtiment. Sur les fluides, avec nos neuf bâtiments, nous sommes à trois millions d'euros de charges par an. Avec un seul bâtiment, nous passerions à un million. La gabegie financière, c'est de rester sur neuf bâtiments, tous des passoires thermiques. Le Forum est un bâtiment tellement emblématique que ça pourrait être, demain, une vitrine en terme de rénovation thermique de bâtiments tertiaires".
Tous les élus sont d'accord : le siège de la métropole n'est plus adapté
Plusieurs groupes demandent au président de la métropole de différer la décision pour examiner des solutions alternatives qui, selon eux, coûteraient moins chères. C'est le cas de la droite, du centre, et de la République en marche qui siègent dans l'opposition, mais aussi des écologistes qui sont « théoriquement » dans la majorité de gauche. Et si ces quatre groupes s'en tenaient à cette position, Christophe Ferrari n'aurait pas la majorité, vendredi. Mais ce dernier a déjà gagné plusieurs combats dont il n'était pas le favori, ces derniers temps.
La chambre régionale des comptes de la région Auvergne-Rhône-Alpes, elle-même émet les critiques suivantes dans un rapport de novembre 2020 : "Le quasi-doublement des effectifs a incité la métropole à initier un projet de construction d’un nouveau siège, d’un montant de 86 millions d'euros. Pour justifier cet investissement important, la Métropole met en avant des gains en fonctionnement lissés sur 30 ans, mais aussi en matières sociale et environnementale. Ces gains sont discutables au regard du poids de cet investissement à court et moyen termes. Par ailleurs, la chambre relève que le conseil métropolitain n’a pas été suffisamment informé des coûts et des options possibles lors du lancement de ce projet".
C'est aussi le point de vue de Dominique Escaron, maire du Sappey-en-Chartreuse, président du groupe CCM (communes au cœur de la métropole) qui rassemble 12 élus du centre et de droite : "Aujourd'hui je n'ai pas de fascicules dans mon cartable, dit-il, avec les chiffres, les mètres carrés, etc. On a eu un séminaire d'information assez complet qui a été fait très récemment, mais il a été fait, de mémoire, un vendredi, et le mardi, il y avait la commission d'appel d'offre pour choisir. C'est très bien d'informer les élus, mais je crois que c'était bien trop tard. Sur le coût du projet, on considère que c'est un montant qui est très important, dit-il, même s'il y a des travaux à faire dans le bâtiment actuel, il y a peut-être d'autres solutions, donc nous on veut que des scénarios soit posés sur le papier, qu'on voit toutes les options, qu'on comprenne mieux, qu'on ne se lance pas si vite que ça dans un projet qui ne nous semble pas totalement bordé."
Écologistes, centre et droite demandent un report de la délibération pour mieux étudier le projet et dépenser moins d'argent
Laurent Thoviste, adjoint au maire de Fontaine, président du groupe MTPS (Métropole Territoires de Progrès Solidaires) proche de LREM, était déjà contre ce projet dans le précédent mandat, alors qu'il siégeait dans le même groupe que le président Ferrari : "Aujourd'hui, on est sur un projet aux alentours de 90 millions, c'est quand même un montant considérable, parce que l'argent ne sort pas comme ça et, nous, nous demandons une vision des plans pluriannuels d'investissement pour savoir à la place de quoi ça va venir. On a des besoins sur la rénovation et sur le développement de capacité des entreprises, on a des besoins en matière de transition écologique énergétique, on a des besoins en matière de mobilité:en fait on a des besoins partout !"
Controverse sur le coût du projet
Autre question levée : le coût du projet. Et là, on s'y perd un peu. Christophe Ferrari affirme avoir fait baisser le coût net de 71 à 58 millions d'euros, depuis le mandat précédent. "Net" signifie qu'il a déduit les subventions à venir et la TVA à récupérer. 58 millions c'est ce que paierait réellement la Métropole. En empruntant, évidemment.
Une estimation du coût que ne partage pas Vincent Fristot, adjoint au maire de Grenoble, au nom du groupe UMA (Une Métropole d'Avance - EELV, LFI et apparentés) le plus nombreux de l'assemblée avec 37 élus. Pour lui, le véritable coût du projet est plutôt de 90 millions. "Cela correspond à 4.500 euros/m²", explique-t-il. "Il y a un gros problème, en particulier dans le contexte actuel de la crise sanitaire qui change complètement la donne pour les finances publiques. Il y a des secteurs dans lesquels il va falloir abonder : la politique de la mobilité, la politique des grands équipements. Et tout cela exige de reprendre notre travail. Le soumettre au vote, vendredi, est prématuré. Nous avons identifié, en re-retravaillant le dossier avec les nouveaux élus (les conseillers métropolitains élus en mars et juillet 2020, ndlr) qu'il est possible d'aller aussi vite, voire plus vite dans la sortie des surfaces pour beaucoup moins cher. On serait capable de faire [ce siège, ndlr] pour la moitié du budget. On parle de 40 millions d'euros. C'est quand même pas une paille ! On a identifié des sites dans le sud de Grenoble qui peuvent satisfaire le besoin en surface".
Laurent Thoviste estime, qu'en plus, la crise sanitaire va coûter très chère. Certaines recettes vont manquer et il y aura besoin de compenser les pertes des structures telles que Semitag et SMMAG, Stades des Alpes, Alpexpo, etc.
Parmi les soutiens du président de la Métropole, Jean-Luc Corbet, maire de Varces, président du groupe NMC (Notre Métropole Commune) qui rassemble les petites communes (24 élus) avec des élus non étiquetés soutient le projet : "il y a aujourd'hui sur différents sites, sur le site même du forum, des employés qui ne sont pas à l'optimum. Oui il faut démarrer, après deux ans de réflexions et de décisions prises par les élus. Le territoire métropolitain c'est bien 49 communes, mais rien ne pourra se faire si nos employés ne sont pas dans des conditions décentes de travail. Il y a des solutions recherchées pour diminuer le coût de la rénovation du Forum".
Christophe Ferrari affirme que la rénovation du Forum ne sera pas le projet qui mobilisera le plus de finances de la mandature. Il cite le programme ANRU de rénovation des quartiers, l'élargissement de l'A480, le MétroCâble entre Fontaine et Saint-Martin-Le-Vinoux, le centre de tri des déchets, le centre d'incinération, etc.
Des élus proposent d'autres lieux, notamment en utilisant d'autres bâtiments vides, notamment les locaux que HP (Hewlett-Packard) va bientôt abandonner à Eybens. D'autres parlent de Bouchayer-Viallet. Christophe Ferrari répond qu'une des contraintes majeures de la rénovation est l'hémicycle de 24 mètres. Selon lui, aucun des bâtiments proposés par les opposants ne possède une telle envergure.
Le stade des Alpes : un précédent fâcheux
Dans ce débat, en matière de dérive financière que craignent certains, beaucoup d'élus évoquent la construction du stade des Alpes dans les années 2000. Le premier projet était à 37 millions. À la fin, il a coûté autour de 100 millions (le coût réel continue de monter quatorze ans après sa mise en service en raison des taux d'intérêts des emprunts). On se souvient que les bureaux d'études avaient caché une partie importante des investissements, en ne mentionnant pas la nécessité de construire le stade sur des pieux de quinze mètres de profondeur. Un surcoût de 15 millions d'euros, "oublié", pour que les élus votent le projet rapidement. À l'époque, c'est l'écologiste Raymond Avriller, qui n'est pourtant pas maçon, qui avait remarqué que le palais des Sports de Grenoble, construit à quelques dizaines de mètres, reposait sur de tels pieux. C'est ballot, les architectes ne l'avaient pas remarqué. Au-delà de l'anecdote, la manière fait se poser des questions, à certains élus, sur les autres projets ambitieux qui ont succédé.
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