La France pauvre ou l'autre France
La France pauvre ou l'autre France"
Robert Boutet
In: Travaux de l'Institut Géographique de Reims, n°16, 1973
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70 Pages
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La france pauvre (2.55 Mo)
L'étude de la France Pauvre (1) menée par SOGREAH pour le compte de la Direction de l'Aménagement et des Structures au Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural, s'insère parmi les réflexions concernant l'aménagement du territoire. Les objectifs de l'étude et son caractère expérimental ne permettent pas d'aboutir à un inventaire exhaustif des régions de France défavorisées.
Cette étude s'attache à l'analyse des conditions démographiques et économiques d'une partie du territoire dont l'avenir paraît incertain en raison du dépeuplement et de l'abandon des activités humaines qui s'y développaient jadis. Cette analyse, qui porte sur près d'un tiers du territoire national, est suivie d'une réflexion sur l'évolution démographique probable et d'une proposition d'actions d'aménagement adaptées aux diverses zones composant la France Pauvre et définies par une typologie.
Le champp de l'étude couvre les régions où le recul démographique se superpose à des conditions naturelles généralement médiocres .
Le territoire étudié a été défini en examinant à la fois les conditions présentes et l'évolution probable. La délimitation élaborée avec l'aide des AREEAR (Ateliers Régionaux d'Etudes Economiques et d'Aménagement Rural) résulte de la prise en compte des régions où la densité de population est faible et en décroissance, où les potentialités agricoles et le revenu sont médiocres, alors que l'influence urbaine est négligeable. Les documents utilisés pour cette délimitation sont les données de l'INSEE (effectifs, soldes migratoires) et les résultats d'une analyse menée en 1962 au niveau des Groupes de Régions Agricoles par les AREEAR, ainsi que divers travaux préparatoires au Vlème Plan.
(1) L'étude résumée ci-après a été conduite par J. de BOISSEZON, ingénieur civil du Génie Rural, directeur de l'Agence SOGREAH pour le Sud-Ouest. Elle a permis la collaboration des géographes de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour-enseignants, M. CHADEFAUD et G. DALLA ROSA, et étudiants — et des ingénieurs et techniciens de SOGREAH. La coordination et les relations avec le Ministère de l'Agriculture et ses échelons régionaux ont été assurées par M. DRUART, directeur du CT GREF de Bordeaux.
Les zones examinées étaient retenues lorsque les valeurs des critères démographie et activité agricole étaient simultanément défavorables. Le champ de l'étude ainsi défini, après ajustement avec les AREEAR, couvre près de 15 millions d'hectares. Il est axé sur les 3 principaux massifs montagneux (Alpes, Pyrénées, Massif Central), et s'applique à leur périphérie large ainsi qu'aux plaines boisées contiguës (Landes et Sologne). La population concernée approche 4 millions d'habitants.
LA FRANCE PAUVRE
La méthode d' analyse repose sur un examen des caractéristiques de petites régions homogènestes unités L'analyse des caractéristiques de la France Pauvre ne pouvait être menée globalement car la paupérisation de cette fraction du territoire n'est ni uniforme, ni générale.
Un découpage de la zone a donc été mené en vue d'isoler des "Pays" dont la caractérisation devait toutefois s'appuyer sur des statistiques accessibles et résulter donc d'un regroupement d'unités statistiques élémentaires (les Petites Régions Agricoles, les Cantons, les ZPIU - Zones de Peuplement Industriel ou Urbain - plus rarement la Commune). Leur définition prend en compte les caractéristiques physiques, les orientations agricoles, la situation et l'évolution démographique ainsi que l'influence des centres urbains/ qu'ils soient intérieurs ou extérieurs à 1 unité considérée.
Les Unités Homogènes (U.G.) qui ressortent du découpage sont au nombre de 250 dont 244 ont été retenues en définitive. Leur surface moyenne est de 610 km2, leur population moyenne 15 000 habitants. Le découpage effectué, chaque U.G. est caractérisée par une série d'indices qualitatifs et quantitatifs. Le profil de l'Unité Homogène ressort de la prise en compte de 130 indices.
L interprétation des informations recueillies a permis l'élaboration d'une image fine et fidèle de la France Pauvre, ainsi qu'une définition des tendances de l'évolution probable, basée sur le rapprochement des divers indices par des traitements statistiques (croisements entre indices), et par des calculs de simulation démographique.
Une série de calculs typologiques prenant en compte les divers thèmes de l'étude ont permis une interprétation globale des analyses et des prévisions, interprétation qui a mis en évidence les principaux types de régions et les traits essentiels de leurs caractéri stiques .
Trois thèmes ont été retenus pour une étude détaillée :
- La population et l'activité,
- Le milieu naturel et 1' agricul ture,
- Les activités non agricoles.
Une population disséminée et rare, des activités essentiellement agricoles.
A. Une population vieillie et dont l 'évolution est inquiétante.
Au niveau de la population totale la densité y est près de 5 fois plus faible que dans le reste du pays (25 hab/km2 contre 115). Le vieillissement est marqué, le pourcentage des plus de 65 ans atteint 18% contre 13% dans la France entière. Inversement, la part de jeunes y est plus faible, conséquence de l'exode rural.
L'évolution de cette population se traduit par une baisse de 2,5% de 1962 à 1968 pendant que la France entière enregistre une progression de 7,2%.
Ces caractères défavorables se retrouvent dans la population des ménages agricoles où le célibat masculin aggrave le contexte socio-démographique.
L'examen de la répartition spatiale de la population totale montre que la situation est très variable selon les régions composant la France Pauvre. La densité y varie de 10 à 80 hab/km2 progressant du Sud-Est au Nord-Ouest et à mesure que le relief s'estompe. Les plus faibles densités de population (10 hab/km2) sont enregistrées dans les U.H. de montagne alors que les vallées de la Dordogne, du Lot et en général les U.G. voisines d'une ZPIU, ou en comportant une présentent une meilleure situation à cet égard, avec des densités supérieures à 40 hab/km2.
Complétant la densité, valeur statique, le solde migratoire fournit une mesure dynamique de la démographie. Son examen, basé sur les valeurs enregistrées entre 1954 et 1962, a mis en évidence des groupes de régions caractéristiques. Les plus forts déficits migratoires touchent les régions les moins denses, Alpes du Sud et Sud-Est du Massif Central, Pyrénées Centrales, mais aussi la périphérie des axes de développement (Axe rhodanien et Sillon Alpin) qui drainent les éléments les plus actifs de la population.
B. Une simulation démographique a permis d' apprécier la portée du contenu démographique passé et présent.
La description de la situation démographique passée et actuelle apporte une connaissance primordiale pour les réflexions d'aménagement. Toutefois, celles-ci ne peuvent être entreprises sans une estimation de l'effectif et de la composition des populations à un stade prévisionnel pour lequel l'oeuvre d'aménagement est entreprise. C'est pourquoi une simulation démographique a été tentée pour éclairer la portée des virtualités démographiques de la France Pauvre.
Cette simulation démographique porte d'une part sur la population totale et d'autre part sur la population des ménages agricoles. Elle utilise les données propres à chaque U.G. chaque fois qu'elles sont disponibles à ce niveau et les données régionales ou nationales en l'absence de valeurs spécifiques à l'unité observée.
Le calcul relatif à la population totale de l'U.H. utilise les paramètres du mouvement naturel France entière (Natalité, Mortalité) appliqués aux effectifs de l'U. G. résultant du sondage au 1er Avril 1968. Les paramètres du solde migratoire par tranche d'âge sont ceux des zones hors ZPIU de la région-programme pour la période 1962-1968, nuancés par le solde migratoire de 1 'U.G. entre 1954 et 1962. Pour le calcul de l'évolution des effectifs des ménages agricoles les mêmes paramètres ont été adoptés quant au mouvement naturel, mais le taux de départ par classe d'âge est celui des Ménages Agricoles France entière (période 1962-1968).
Les deux calculs, prolongés jusqu'au terme 2000, sont ainsi largement dépendants des données disponibles qui n'assurent pas toujours la finesse et la rigueur nécessai res à un calcul localisé. Ils permettent toutefois de dégager la portée maximale des divergences contenues dans la structure démographique actuelle, divergences qui ne sont pas forcément apparentes à l'origine.
Ces réserves étant précisées, l'évolution démographique qui se dessine à l'issue des calculs laisse apparaître une régression en effectif et densité de la Population de la France Pauvre en même temps qu'une accentuation du phénomène de vieillissement.
La population totale régresserait de 8,5% d'ici à 2000 alors qu'à l'inverse celle de la France entière croîtrait de 27%. Cette évolution moyenne résulte de deux tendances opposées et l'on distingue des zones où la densité risque de baisser très fortement alors qu'ailleurs les effectifs se renforcent en même temps que la structure par âge s'améliore
La population des Ménages Agricoles subit la même tendance générale mais les effets en sont accentués et la diminution d'effectifs y atteindrait 65% par cumul des conséquences du vieillissement et de la migration professionnelle qui affecte particul ièrement cette catégorie de population.
De cette évolution des ménages agricoles peut être déduit le nombre d'actifs agricoles par application des tables d'activité France entière (Ménages agricoles). La comparaison des effectifs obtenus aux normes d'actifs nécessaires (Normes Coutin) d'après la répartition des cultures du Recensement Général de 1 Agriculture de 1970 permet de mettre en évidence les tensions susceptibles d'affecter 1’emploi agricole des diverses zones.
La répartition des actifs agricoles exprimée en fonction de la surface géographique traduit l’emprise de 1'agriculture sur le territoire. En 1968 cette densité est faible dans les zones élevées des massifs montagneux (1 à 2 actifs/km2 de SG), elle atteint 5 actifs sur les piedmonts orientés vers l'élevage et dépasse même cette valeur lorsqu'existe une spécialisation agricole (collines béarnaises, Bergeracois) .
D'après le calcul d'évolution démographique, c'est environ 40% de la France Pauvre qui aurait moins d'un actif agricole parKm2 SG en l'an 2000.
Le rapprochement du nombre d'actifs agricoles 2000 et du nombre d'actifs nécessaires en 1970 résultant de l'application des normes Coutin laisse présager, en l'absence d'hypothèse sur l'évolution de la productivité, une stabilité du mode d'occupation du sol là où les effectifs sont proches des besoins; c'est le cas des vallées et des zones d'élevage, soit 40% de la zone d'étude. Ailleurs, la densité d'actifs 2000 est inférieure à celle des normes Coutin, ce qui supposerait une régression de l'occupation du sol par l'agriculture.
Une typologie démographique prenant en compte les indices actuels et ceux qui résultent du calcul d'évolution permet de distinguer cinq principaux type d'U.G. dans la France Pauvre :
- Des régions à forte densité représentées par les vallées comportant des ZPIU et une agriculture dynamique ou spécialisée (Chalosse, Périgord, Vallées des Pyrénées Orientales et de la Dordogne), par les bordures de ces vallées et en outre par les régions bénéficiant d'équipements touristiques ou soumises à l'influence d'une petite cité voisine (Mende, Mont-de-Marsan, Rodez).
(A)
- Des régions où la population totale a une densité moyenne et une structure par âge en voie d'amélioration. Sud des Alpes, Landes, Nord et Est du Massif Central composent ce groupe où, toutefois, les ménages agricoles connaissent le plus fort vieillissement.
(B)
- Des régions, intermédiaires entre divers groupes, caractérisées par l'importance d'une population agricole relativement jeune : Montagnes Béarnaises, Plateaux Nord du Limousin, Nord du Cantal, Sud du Puy-de-Dôme. (C)
- Des régions présentant une démographie en vieillissement et regroupant souvent des zones à fort taux d'activités secondaires en récession. Les vieilles régions textiles du Vivarais et des Pyrénées Ariégeoises entrent dans ce groupe ainsi que la Brenne, les Hautes-Pyrénées, le Sud-Est du Massif Central et quelques U.H. proches du sillon Alpin
(D)
- Des régions à situation démographique inquiétante, cumulant les plus faibles densités actuelles et prévisionnelles avec un vieillissement très marqué et un fort taux de célibat masculin. Dominance du secteur primaire et faiblesse du secteur secondaire complètent les caractéristiques de ce groupe où se rencontrent les zones de montagnes difficiles (Pyrénées Centrales,Aubrac, Margeride) et des plateaux à faible potentialité (Pays de Sault, Lacaune, Ségala, Mi1levaches et Baronnies).
(E)
Ainsi, quelques points forts à démographie positive existent dans la France Pauvre : les vallées denses où de petites cités actives accompagnent une agriculture dynamique. A l'opposé , dans les montagnes élevées et les plateaux démunis, où 1 'agriculture reste dominante, la situation est préoccupante.
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Entre ces deux extrêmes, une série de régions plus ou moins proches des 2 groupes précédents sont appelées à des destins différents suivant leur localisation et leur activité.Un milieu naturel défavorable et une agriculture médiocre
Constituée de montagnes, plateaux et collines, la France Pauvre présente des conditions orographiques souvent difficiles pour l'agricul ture. Son climat est souvent aussi un facteur limitant. L'abondance des précipitations y constituerait un atout si la faiblesse des températures de la saison froide n'y réduisait la durée de végétation active (montagnes, plateaux semi-continentaux). Lorsque le froid n'est pas limitant, la sécheresse estivale le devient (Sud-Est du Massif Central, Alpes du Sud). En outre, la qualité des sols est fréquemment très médiocre : lithosols, rankers et rendzines tiennent une grande part.
Devant des conditions aussi défavorables, l'occupation du sol par 1'agricul ture est réduite.La surface agricolê utile (S.A.U.) n'y couvre que 40% du territoire (contre 60% France entière) auxquels il convient d'ajouter 10% de parcours collectifs. Par contre, la forêt y tient une part importante (36%) mais la moitié des massifs ont une très faible valeur d'exploitation. Les zones non agricoles et incultes couvrent 15%.
Toutefois cette médiocrité des conditions naturelles n'est pas uniforme et certaines régions présentent de meilleures potentialités, telles la plupart des vallées ainsi que certains avant-pays comme les piedmonts pyrénéens et la périphérie Ouest du Massif Central.
La taille moyenne des exploitations agricoles se situe à 23 ha mais ici également des différences considérables sont enregistrées , les extrêmes allant de 16 à 72 ha et les structures les plus larges étant dans les régions d'élevage.
Un indice de remplacement des chefs d'exploitations a été établi en comparant les effectifs des chefs d'exploitations actuels ou potentiels de moins de 45 ans aux effectifs des exploitants de plus de 45 ans. En moyenne cet indice laisse apparaître un taux de remplacement inférieur de 15% à celui de France entière.
L'élargissement des structures est possible par une réduction du nombre d'actifs agricoles.Avec 2 actifs par exploitation il résulterait une S.A.U. moyenne de 70 ha (d'après les résultats de la simulation démographique). Cette taille, nécessaire pour aboutir à une orientation vers l'élevage (seul capable de valoriser les potentialités d'une grande partie de la France Pauvre) ne peut être obtenue sans application de mesures appropriées : répartition des herbages collectifs, sectionnaux, indivis, terres incultes et mesures facilitant les locations.
La physionomie agricole de la France Pauvre a été concrétisée par la définition d'un Mode d'Utilisation du Territoire (MUT) qui traduit l'orientation dominante et secondaire de chaque zone. On distingue ainsi les MUT forestiers, herbagers, agricoles, incultes et leurs diverses combinaisons :
- Les MUT forestiers (20% de la zone) se rencontrent dans la périphérie des Alpes, les Pyrénées Centrales, l'Est et l'Ouest du Massif Central, les Landes et la Sologne.
- Les MUT herbagers ont la même superficie mais se rencontrent à un étage montagnard plus élevé.
- Les MUT agricoles (à peine 5% de la zone) se rencontrent dans les périphéries Ouest du Massif Central et des Pyrénées.
- Les MUT à dominante inculte (5% de la France Pauvre) correspondent aux massifs élevés (Pelvoux), ainsi qu'à la bordure des montagnes, notamment en zone sèche (Sud-Est du Massif Central et Montagne de Haute-Provence).
La caractérisation agricole a été complétée par un calcul de la Production Finale (P. F.) utilisant les données du RGA et celles résultant de la statistique agricole annuelle. Dans la France Pauvre la PF/ha géographique n'atteint que 430 F (34% de France entière) ; à l'hectare S.A.U. 880 F (46% de France entière). Si la contribution de la France Pauvre à la P. F. agricole totale est faible, elle présente l'avantage de porter sur des productions non excédentaires (viande essentiellement).
A partir des indications relatives à la situation agricole, cinq groupes ont été déterminés par un calcul typologique :
- Un premier groupe rassemble les plaines basses et les terrasses où de petites exploitations spécialisées obtiennent une P. F. importante mais sur des terres chères. (F)
- Un deuxième groupe constitué par les plateaux et collines orientés vers lJélevage et la polyculture se rencontre dans la frange Nord et Ouest du Massif Central. (G)
- Montagnes basses du Massif Central et plateaux calcaires constituent le troisième groupe qui semble présenter une agriculture stable (indice de remplacement des chefs d'exploitations élevé) mais ayant déjà subi un exode agricole important. (H)
- La moyenne montagne rassemble le quatrième groupe où la S.A.U. est faible et la succession peu assurée (Pourtour des Alpes, Sud-Est du Massif Central et Pyrénées-Orientales). (I)
- Le cinquième groupe, le plus critique, comporte la montagne élevée et déserte, principalement les Alpes. La faible densité d'actifs accompagnée d'un taux de départ élevé et la dominante herbagëre sont les principaux traits de ce groupe. (J)
En résumé, l'agricul ture de la France Pauvre subit généralement des contraintes sévères mais d'une intensité variable. Son avenir, apprécié à partir de la situation actuelle et des prévisions démographiques, est lui aussi différent selon les régions. Schématiquement on distinguera des zones stables (vallées spécialisées, montagnes basses tournées vers l'élevage) et des zones instables où la réduction des actifs provoquera un recul du territoire agricole (Moyenne et Haute montagne) à moins que l'on n'y assiste à un développement de grandes entreprises d'élevage
La forêt semble devoir se généraliser, aux étages favorables, chaque fois que la densité de main-d'oeuvre aura diminué au-dessous d'un actif au km2.
La place réduite des activités non-agricoles
A. Le tourisme
Le tourisme, examiné en raison du nombre de stations présentes dans le champ de l'étude, est souvent cité comme l'un des moyens privilégiés dans les actions de Rénovation Rurale. La France Pauvre, dont les paysages sont très souvent attractifs, offre en fait des potentialités diverses que l'on peut traduire par des durées de saison estivale et hivernale conditionnées par l'ensoleillement et l'enneigement.
NDLR C'est le cas de la ferme de Pierre Delest à Soustons Dpt des Landes
La haute montagne alpine et pyrénéenne présente les meilleures conditions avec un maximum d'enneigement et d'ensoleillement qui assurent plus de 200 jours de saison potentielle. Les stations y sont déjà nombreuses.
Le Massif Central paraît moins favorable car la durée d'enneigement y est aussi réduite que l'ensoleillement. Les activités thermales peuvent toutefois renforcer ce potentiel touristique accru par la proximité des sites urbains (Lyon, Paris).
Ailleurs,seul le tourisme "vert", tourisme rural , peut s'envisager avec des aménagements peu coûteux en raison de la faible durée de saison touristique (isolement, faible ensoleillement) .
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La comparaison entre la durée potentielle et l'implantation touristique fait apparaître une corrélation positive : la fréquence élevée des résidences secondaires dans les zones à forte durée s'oppose à la rareté de cette implantation dans les zones de tourisme rural Dans l'ensemble le développement touristique ne peut apporter que des solutions d'aménagement restreintes en extension et en intensité pour une grande partie de la France Pauvre.
B. L'urbanisation
A cet égard aussi la France Pauvre présente de grandes divergences avec le reste du territoire.La population de la France Pauvre est dispersée car essentiellement agricole. Les villes de plus de 50 000 habitants sont rares et les cités de 5 à 50 000 habitants se concentrent le long des axes de circulation que sont les vallées.
Les ZPIU y revêtent une importance deux fois moindre qu'ailleurs. Leur part relative et leur dynamisme propre varient selon les régions.
Dynamiques dans les zones ayant accédé à un processus d'industrialisation, elles sont en voie de dépopulation dans les regions très rurales (Haut Limousin). Cette instabilité des ZPIU reflète la menace qui pèse sur l'activité industrielle de la France Pauvre, activité faible en effectifs (28% des actifs) et fréquemment composée d'activités en récession (textiles, habillement, cuir). La faiblesse relative du tertiaire est moins accentuée mais il s'agit souvent d'un tertiaire d'administration. Les zones touristiques comportent toutefois un tertiaire dynamisant (Alpes, Pyrénées, stations du Massif Central).
Résumant l'activité économique, l'indice PROSCOP a été utilisé pour comparer la Richesse Vive (achats effectifs) des diverses unités.
Cet indice présente une liaison nette avec le taux d'agglomération, augmentant avec le tertiaire. Ainsi les régions touristiques (Alpes du Nord, Hautes-Pyrénées) ou à fort taux d'agglomération (Vallées) ont un indice de Richesse Vive élevé .
La typologie basée sur le tourisme et l'aménagement retient les 5 groupes suivants :
- Les hautes montagnes touristiques à Richesse Vive élevée. (K)
- Les régions ensoleillées de tourisme diffus et sans ZPIU ; Alpes du Sud, Sud-Est du Massif Central et Pyrénées de l'Est. (L)
- Les régions urbaines ou agricoles dynamiques (Adour). (M)
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- Les moyennes montagnes et les plateaux du Limousin caractérisés par de faibles potentialités touristiques et la faiblesse des secteurs secondaire et tertiaire. (N)
- Les régions isolées du Massif Central (Millevaches, Morvan, Causses) à environnement urbain peu dynamique et où les potentialités touristiques sont très faibles. Leur indice de Richesse Vive est le plus bas. (0)
Conclusions
A. La synthèse permet de présenter les grandes lignes des propositions d'aménagement. Les informations qui ont été assemblées ont permis une connaissance détaillée de la France Pauvre et de ses possibilités d'évolution. En cours d'étude les résultats ont été affinés et
sélectionnés selon leur fiabilité. La synthèse résulte du regroupement des données examinées séparément dans les 3 principaux thèmes de l'étude. Elle débouche par ailleurs sur des propositions d'aménagement des divers types de régions constituant la France Pauvre.
Une typologie générale basée sur les données les plus significatives se traduit par un regroupement des unités homogènes et permet de rassembler les diverses propositions d'aménagement autour des principaux problèmes posés par la mise en valeur de ce territoire.
Deux orientations différentes marquent les groupes d'Unités Homogènes extrêmes de la France Pauvre : l'une correspond aux vallées peuplées, à 1 'agriculture intensive accompagnée d'une industrie efficace j l'autre comporte les régions les plus agricoles et souvent les plus pauvres.
Entre ces deux extrêmes, les groupes sont marqués soit par l'activité touristique, soit par l'agriculture. Leur dynamisme va généralement décroissant du premier au dernier groupe :
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- Les vallées -peuplées * couvrant un dixième de la France Pauvre, bénéficient d'une bonne densité de population. Les activités agricoles et industrielles s'y développent, assurant une rémunération acceptable. Les prévisions démographiques sont positives. On assiste ici à un équilibre entre le milieu rural et les activités urbaines.
- La haute montagne touristique malgré un indice de richesse vive le plus élevé de la France Pauvre, présente une certaine instabilité démographique. L'exode rural et agricole y est maximum et la réussite d'équipements touristiques isolés ne doit pas masquer une situation moyenne alarmante.
- Les régions moyennes 3 qui recouvrent la moitié de la France Pauvre présentent une agriculture moyenne et une industrie faible composée d'activités en récession. La situation démographique est en voie de stabilisation avec une structure par âge assez équilibrée. Cet ensemble couvre le Nord et l'Ouest du Massif Central, le Bassin de l'Adour, la frange Sud-Est du Massif Central et la bordure des Préalpes-Sud.
- La montagne ensoleillée * d'une pauvreté moyenne, a une agriculture médiocre mais bénéficie du dynamisme des vallées voisines. Sa densité de population est faible mais resterait stable malgré un important vieillissement des ménages agricoles. Préalpes, Alpes du Sud et Pyrénées Centrales composent ce groupe avec une partie du Sud-Est du Massif Central.
- Les plateaux agricoles un septième du champ de l'étude, constituent le groupe le plus pauvre. L'agriculture y domine l'activité mais obtient des résultats médiocres. L'absence de villes à l'intérieur comme au voisinage entraîne une faible densité de population, qui se réduirait d'un tiers à cause du vieillissement et de l'exode. La partie médiane du Massif Central, du Ségala aux Monts-du-Forez et au Nord des Cévennes, constitue ce groupe qui comporte aussi une partie du Morvan.
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B. Les problèmes posés par l'aménagement sont divers s les solutions devront être nuancées .Une schématisation de l'analyse typologique fait ressortir 3 situations principales vis-àvis des besoins d'aménagement, situations définies par référence aux trois groupes les plus caractéristiques :
- les régions moyennes;
- la montagne;
- les vallées.
Pour chacune de ces situations> les actions d'aménagement comporteront les thèmes suivants : Agriculture, Tourisme, Aménagement rural.
- Dans les régions moyennes, l'orientation agricole vers l'élevage doit être confirmée et favorisée par une restructuration tendant à confier de plus grandes surfaces à des actifs de moins en moins nombreux. Le tourisme ne peut qu'y être accessoire, alors que les nécessités de l'aménagement rural tendant à la structuration du territoire s'opposeront à la dispersion de l' habitat.
- Sur la montagne et les plateaux, l'agriculture sera limitée à une occupation très extensive, laissant inoccupés des sites qui poseront des problèmes d'entretien. Des formes nouvelles d'activité agricole ou forestière pourraient limiter cette tendance. Par contre, le tourisme représente ici un atout important facilitant des opérations d'aménagement rural que la géographie simplifie en regroupant les centres le long des voies de pénétration que constituent les vallées.
- Dans les vallées, les conditions naturelles autorisent une agriculture viable, parfois même intensive et capable de conserver, voire d'accroître, son niveau d'emploi, surtout si le secteur aval s'y développe. A l'inverse, l'attrait touristique de ces régions est modeste malgré les possibilités d'animation résultant du regroupement des hommes.L'aménagement rural pourra combiner ici une agriculture de qualité avec une urbanisation et une industrialisation modérées.
Le renforcement des potentialités des vallées et la diversification des actions dans les régions moyennes et les montagnes devront être les lignes directrices des actions d'aménagement.
Les prévisions démographiques font ressortir dans les vallées un potentiel d'accroissement de population de 600 000 habitants qu'il faudra renforcer si l'on veut y accueillir l'ensemble des migrants des régions moyennes (représentant au total 900 000 personnes).
Ce renforcement conduira à développer dans la France Pauvre des zones semblables aux vallées peuplées, c'est à dire à créer des foyers urbanisés, industrialisés et dynamiques, parsemant des zones d'agriculture efficace. Ces foyers rayonneront sur les régions moyennes voisines qui pratiqueront selon les cas un élevage plus ou moins intensif ou évolueront vers des modes d'utilisation de 1’espace à très faible densité (forêt et élevage extensif).
Les diverses solutions proposées n'exigent pas les mêmes conditions pour que leur réussite soit assurée. D'une manière générale, les actions visant à soutenir l'activité agricole ou le tourisme diffus semblent devoir être considérées comme des mesures sociales mais non comme des incitations au développement. Par contre, les actions structurantes , qu'il s'agisse d'actions de modernisation des exploitations agricoles ou d'opérations globales d'aménagement rural , seront efficaces. S'appuyant sur des agents économiques dynamiques et pouvant être ajustées aux conditions locales en raison de leur nombre limité, elles méritent une attention particulière.
Toutes les solutions préconisées nécessitent une réflexion plus approfondie, visant en particulier à une estimation de leur opportunité. Coûts et avantages devront être appréciés en fonction des situations particul ières. Leur mise en oeuvre pourra être décidée en temps utile par l'examen des séries d'indicateurs établis au cours de cette étude et qui, tenus à jour,peuvent traduire l'évolution d'une zone homogène.
C. Une action volontariste peut enrayer la paupérisation de la France Pauvre en s'appuyant sur les points de résistance de ce territoire.Bien que difficile à cerner dans son extension géographique et son intensité, la Pauvreté est évidente sur la plus grande partie de la France Pauvre. Elle résulte de la faiblesse des potentialités naturelles que les hommes sont de moins en moins nombreux à exploiter.
L'analyse détaillée et les prévisions qui l'ont suivie ont montré que le recul économique amorcé paraissait parfois irréversible mais que cette situation est loin d'être générale. Des îlots d'activité subsistent dans les vallées longeant ou pénétrant les montagnes et plateaux de la France Pauvre, de même que sur les piedmonts attractifs.
Un aménagement rural qui tendrait à renforcer ces îlots d'activité et à en revitaliser les centres préserverait le potentiel de la France Pauvre en le concentrant en quelques points d'où rayonnerait une activité allant en se diffusant alentour vers des réserves d'espace à conserver pour des formes d'activité que les hommes découvriront peut-être un jour.
Robert BOUTET est géographe, technicien à l'agence de Pau de la SOGREAH (Société Grenobloise d' Aménagement Hydraulique)
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