Une ancienne ville mésopotamienne émerge du Tigre dans le Kurdistan irakien
Sauver le patrimoine antique n’est pas une mince affaire au Moyen-Orient. Contexte géopolitique, trafic, destruction du patrimoine et changement climatique posent des défis majeurs aux archéologues. Lorsque l’occasion se présente de réaliser une fouille, il faut donc savoir la saisir. Comme l’a fait une équipe germano-kurde qui a pu, en toute hâte, procéder à des fouilles de sauvetage d'un site mésopotamien. Normalement englouti dans le lac du barrage de Mossoul, il a soudain refait surface en raison de la sécheresse.
Vue aérienne des fouilles de Kemune, dans le Kurdistan irakien, montrant l'architecture de la ville antique de Zachiku, partiellement immergée dans le lac
Ironie du changement climatique : une ville antique qui avait été submergée lors de la construction du barrage de Mossoul, dans le nord de l’Irak, il y a maintenant 40 ans, a resurgi au début de l’année lorsque le niveau de l’eau s’est brutalement abaissé. Devant cette occasion unique, les archéologues kurdes et allemands qui travaillent dans la région ont constitué en urgence une équipe de recherche qui s’est hâtée de procéder à des fouilles de sauvetage. Leurs efforts ont été récompensés par de bien belles découvertes : un complexe urbain fortifié datant de l’âge du bronze, époque où se déployait l’empire encore mal connu du Mittani (vers le 16e siècle avant notre ère - vers 1350 avant notre ère), et de précieuses tablettes cunéiformes remontant à la période assyrienne.
Une ancienne ville mésopotamienne émerge du Tigre dans le Kurdistan irakien
Construit dans les années 1980, sous le régime de Saddam Hussein, le barrage de Mossoul est l’un des plus grands ouvrages du Moyen-Orient. Situé à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de la ville de Mossoul, dans le nord de l’Irak, il retient les puissantes eaux du Tigre, qui forment derrière cette barrière haute de 113 mètres un immense lac d’une capacité de plus de 12 milliards de mètres cube. Depuis des années, toute la région est cependant touchée par une sécheresse non seulement imputable au changement climatique, mais également à des problèmes infrastructurels. Le lac de barrage sert ainsi de réservoir, et lorsque, à la fin de l’année 2021, il est apparu indispensable de continuer à irriguer les champs du sud du pays, d’importantes quantités d’eau en ont été évacuées, au point de l’assécher. Une cité antique, qui avait été engloutie lors de la construction du barrage sans qu'aucune recherche archéologique préalable n'ait pu être menée, est ainsi réapparue. En 2018, des circonstances similaires avaient déjà permis aux chercheurs de mettre au jour les premiers vestiges de cette ville située au nord du lac, près du village de Kemune, dans le Kurdistan irakien. À partir de leurs premières découvertes, ils avaient présumé qu’il pourrait s’agir de la ville de Zachiku, un centre important de l’empire du Mittani, qui a dominé une grande partie du nord de la Mésopotamie et de l'actuelle Syrie entre 1550 et 1350 avant notre ère environ
Vue aérienne du palais de Zachiku mis au jour sur le site archéologique de Kemune en 2018, mais resté sous l'eau en 2022. © Université de Tübingen
Des fouilles sous le signe de l'urgence
On pourrait penser que cette réapparition est une aubaine, mais cette occasion s’est transformée en un véritable challenge pour les archéologues, mis au défi d’organiser le financement et la mise en œuvre de fouilles de sauvetage de toute urgence, sans savoir quand les eaux du barrage viendraient recouvrir le site. Dans un communiqué de presse commun, les archéologues kurde et allemands qui ont dirigé les recherches – Hasan Ahmed Qasim, président de l'Organisation d'archéologie du Kurdistan (KAO), Ivana Puljiz, de l'université de Fribourg, et Peter Pfälzner, de l'université de Tübingen – se réjouissent donc d’avoir tout de même réussi, en janvier et février 2022, à mettre au jour de nouveaux bâtiments et à cartographier la cité.
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